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Par Francis Muyshondt.

La plateforme de production gantoise 24Flow a levé 1 million d’euros pour financer sa croissance future. Parmi les investisseurs figurent notamment Piet Maes, Lode Peeters et Jef Wittouck. Et le groupe affiche de grandes ambitions : il entend devenir le leader européen du marché du High-mix low-volume. Nous nous sommes donc demandé ce qui rend le groupe si spécial et comment il compte atteindre ce leadership. Nous avons rencontré Stijn Wijndaele, qui a participé à la fondation du groupe en mars 2020. Les objectifs, le potentiel du marché, les applications pratiques et la genèse du groupe ont été abordés en détail.

Pouvez-vous résumer ce que fait 24Flow ?

Stijn Wijndaele : 24Flow est une plateforme d’opérations conçue pour les entreprises de production caractérisées par des environnements high-mix, low-volume, où l’imprévisibilité et la variation règnent au quotidien. Pannes de machines, retards de livraison ou absences imprévues du personnel sont monnaie courante. Notre solution aide les entreprises à planifier de manière flexible, à visualiser les processus et à accroître leur agilité opérationnelle. Le système a été développé par des praticiens pour des praticiens.

Quelle est l’origine de l’entreprise ?

Stijn Wijndaele : L’origine remonte à Erik Dierinck, ancien directeur de production chez Newtech (plus tard intégré à ST Engineering). Dans cette fonction, il a constaté à quel point il était difficile d’utiliser les outils existants, comme les ERP ou les systèmes de planification (APS), dans une réalité en perpétuelle évolution. Son expérience en informatique lui a permis de réaliser qu’il ne fallait pas modéliser cette complexité, mais plutôt structurer l’organisation pour qu’elle puisse s’adapter au changement. C’est ainsi qu’il a découvert Salesforce comme plateforme low-code, permettant de développer rapidement des solutions modulaires et sur mesure. C’est ainsi qu’est née la première version de ce qui allait devenir 24Flow. Erik et moi nous sommes rencontrés autour de notre passion commune pour l’optimisation des processus métiers, née lors d’une formation à la Vlerick Business School. Nous avons d’abord fondé ScaleFactory, une société de services développant des solutions Salesforce pour d’autres entreprises, ce qui nous a donné le souffle financier nécessaire pour développer notre produit. Avec le soutien de VLAIO et de notre client pilote CGK, nous avons construit progressivement la plateforme 24Flow.

Quels sont vos objectifs ?

Stijn Wijndaele : Notre ambition est claire : devenir à long terme le leader européen sur le marché High-mix, low-volume. C’est notre BHAG — Big Hairy Audacious Goal — un objectif audacieux mais réalisable. Nous sommes conscients que cela prendra facilement dix ans. Nous adoptons une approche progressive, que nous appelons « le flipper ». Dans un premier temps, nous visons le leadership dans le créneau des constructeurs de machines. Ce choix est stratégique : ces entreprises sont souvent plus grandes, avec plusieurs sites, et constituent une base solide pour croître. Notre client actuel, Voortman, est d’ailleurs une référence forte. À partir de là, nous souhaitons élargir progressivement notre position.

Que ferez-vous de ce million d’euros ? Quels sont vos projets ?

Stijn Wijndaele : Nous allons travailler sur trois axes. Jusqu’à présent, nous avons surtout connu une croissance organique, avec peu d’efforts en vente et marketing. Grâce à cet investissement, nous voulons accélérer. Nous allons investir dans la visibilité, la génération de leads et le développement d’une approche commerciale évolutive. Deuxièmement, pour soutenir durablement notre croissance, nous voulons développer un solide réseau de partenaires. La collaboration avec des partenaires de mise en œuvre est cruciale pour rester évolutif sans compromettre la qualité ou la rapidité. Nos clients existants attendent toujours plus de valeur, et nous voulons y répondre de manière proactive. Enfin, en enrichissant et approfondissant notre produit, nous pouvons conquérir de nouveaux marchés et livrer des projets plus rapidement, restant ainsi pertinents et prêts pour l’avenir.

Pourquoi ne pas avoir levé davantage de fonds ?

Stijn Wijndaele : Pour nous, le financement est un moyen, pas une fin en soi — ce qui nous distingue d’autres entreprises, si je peux me permettre. Nous aurions pu lever sans difficulté 2 millions d’euros. Nous croyons en une croissance rapide mais maîtrisée. C’est d’ailleurs le cœur du business plan que nous avons présenté. Dans ce contexte, une levée d’un million suffit pour réaliser nos projets. Bien sûr, l’avenir reste imprévisible, je n’ai pas de boule de cristal. Si à un moment donné il est stratégiquement opportun de lever des fonds supplémentaires, nous le ferons. Mais nous ne lèverons jamais des fonds pour le principe ni ne les brûlerons inutilement.

Comment les contacts avec les investisseurs se sont-ils noués et quel rôle joueront-ils dans le développement futur ?

Stijn Wijndaele : Ces contacts se sont développés de façon organique. Au départ, nous avons discuté avec des VC traditionnels, mais leur vision à court terme ne correspondait pas à notre ambition à long terme. Nous avons donc délibérément choisi des business angels expérimentés, disposant d’un solide réseau et des ressources nécessaires pour nous accompagner. Mon engagement de longue date au sein de VOKA Flandre-Orientale, notamment via les TechTrips, m’a permis de construire des relations précieuses, comme avec Piet Maes de Sofico et Wintercircus. Lode Peters, président d’Agoria, est quant à lui arrivé via une connaissance commune. Après un premier entretien en octobre, nous l’avons régulièrement informé de nos avancées. Il a finalement pris l’initiative de cette levée et est devenu investisseur principal. Mais nos investisseurs apportent bien plus que du capital : ils nous soutiennent aussi opérationnellement via notre conseil consultatif, présidé par Jef Wittouck. Ce conseil discute de notre stratégie et de nos plans de croissance, et nous challenge sur le fond. J’entretiens par ailleurs une communication directe et informelle avec chacun d’eux via WhatsApp. Jef possède une expertise approfondie de l’industrie manufacturière, Lode nous challenge sur les chiffres et la planification financière, et Piet, fort de son expérience chez Sofico, l’un des plus grands succès technologiques de Flandre-Orientale, nous soutient sur le plan technique et de la plateforme.

Dans votre présentation d’entreprise, vous indiquez vouloir accélérer la transformation numérique de l’industrie manufacturière make-to-order. Pouvez-vous expliquer ?

Stijn Wijndaele : Si l’on regarde le marché mondial total pour notre solution, il représente environ 15 milliards d’euros. En Europe, nous ciblons un marché de 900 millions d’euros, correspondant aux entreprises technologiquement prêtes à adopter une plateforme comme 24Flow. Rien qu’au Benelux, il s’agit d’environ 90 millions d’euros. Plusieurs tendances alimentent aujourd’hui cette transformation numérique. D’abord, la demande croissante de personnalisation — ce que nous appelons la customization trend. Les consommateurs veulent de plus en plus de produits personnalisés à des prix standards. Ensuite, il y a l’expectation Coolblue : les entreprises manufacturières fonctionnent encore trop souvent par suivi manuel et par téléphone, alors que les clients attendent aujourd’hui de pouvoir suivre en temps réel l’état de leur commande. Notre solution le permet, à condition que l’entreprise soit prête. On observe également un recentrage de la production suite à l’incertitude (Brexit, Covid, guerre en Ukraine, mesures protectionnistes américaines récentes), qui pousse à relocaliser (reshoring). Cette relocalisation requiert agilité et résilience, pour lesquelles des outils numériques comme les nôtres sont essentiels. Enfin, un facteur technologique joue également : l’émergence des architectures d’applications composables. 24Flow est une plateforme modulaire. Les entreprises peuvent démarrer avec quelques fonctionnalités et étendre progressivement.

Vos marchés cibles en Belgique et en Europe ne sont-ils pas trop petits ? Pourquoi ne pas viser les États-Unis ?

Stijn Wijndaele : Une excellente question. Il serait tentant de viser directement les États-Unis, mais sans base client ni présence locale, cela nécessiterait des budgets énormes pour un retour très incertain. L’Europe présente déjà un défi tout aussi grand. La productivité y a stagné depuis 30 ans. Autrement dit : nous sommes face à un burning platform. Les entreprises manufacturières européennes doivent se digitaliser pour rester compétitives. Cela crée une formidable opportunité pour des solutions comme la nôtre. C’est pourquoi nous commençons délibérément par le Benelux : un marché accessible et familier où nous pouvons rapidement obtenir de la traction. De là, nous souhaitons étendre progressivement notre présence en Europe, puis à l’international, en suivant le principe follow-the-customer. Nombre de nos clients, tels que Voortman ou Atlas Copco, possèdent des sites internationaux, y compris aux États-Unis. S’ils souhaitent y déployer 24Flow, nous les accompagnerons.

Votre solution n’est donc pas applicable à toutes les entreprises de production ? Comment identifiez-vous les entreprises prêtes à adopter votre solution ?

Stijn Wijndaele : Techniquement, nous pouvons aider presque toute entreprise, il existe toujours une solution. La technologie n’est pas notre principale préoccupation. Ce qui est essentiel, c’est la maturité des entreprises en matière de gestion des processus. Sans cela, aucun outil numérique ne sera efficace. Nous ciblons donc les entreprises ayant la bonne mentalité et une vision structurée de leurs processus de production. La transformation numérique exige une organisation et une vision claires ; sans elles, notre solution est sous-optimale. Nous visons des entreprises qui ont généralement atteint cette maturité, souvent liée à leur taille. Notre seuil minimal de chiffre d’affaires, autrefois de 10 millions d’euros, se situe désormais plutôt entre 30 et 50 millions. Notre cœur de cible regroupe les entreprises réalisant entre 50 et 500 millions d’euros de chiffre d’affaires : des acteurs de taille moyenne, organisés mais pas encore suffisamment agiles. Des grands noms comme Atlas Copco ou Brady sont des exceptions : ce sont eux qui sont venus vers nous. Nous nous concentrons de manière proactive sur les niches où nous sommes forts : la construction de machines, le travail des métaux, les fixtures comme les fenêtres et les portes. Des entreprises aux besoins spécifiques, où 24Flow peut vraiment faire la différence. Et grâce à notre récente levée de fonds, nous voulons désormais intensifier un peu cette approche commerciale : plus proactive, plus agressive, pour toucher encore davantage d’entreprises pertinentes.

Comment se déroule le suivi une fois qu’un client est intégré ? 24Flow évolue-t-il avec le client ?

Stijn Wijndaele : Nous fonctionnons selon le principe train-the-trainer. Les clients désignent un responsable de projet interne qui co-construit le projet avec nous via des sprints hebdomadaires. Cela permet de construire rapidement et sur mesure selon leurs processus de production. Sous le capot, 24Flow tourne sur Salesforce, une plateforme flexible et conviviale. En impliquant activement les clients, ils apprennent à maîtriser le système et deviennent autonomes. ORAC en est un bel exemple : ils ont entièrement déployé 24Flow sur leur site en Slovaquie de manière autonome. Notre objectif est l’autonomie des clients, leur permettant de réagir rapidement aux retours du terrain. Aujourd’hui, le véritable obstacle n’est plus la technologie, mais l’adoption et l’agilité.

Quels sont les effets concrets et mesurables de l’installation de 24Flow ?

Stijn Wijndaele : Dans la production high-mix, low-volume, on observe souvent que jusqu’à 95% du temps de cycle est constitué d’attentes (personnel, matériaux ou validations). 24Flow soutient la méthodologie Quick Response Manufacturing (QRM), qui vise justement à éliminer ces temps d’attente. Les délais de production peuvent ainsi diminuer de 30 %, entraînant immédiatement une réduction de 30 % du work-in-progress et une moindre pression sur les ateliers. Cela a un impact direct sur le résultat net. Nous soutenons également le contrôle qualité en cours de processus. Les systèmes classiques se concentrent sur l’ERP et les machines, mais oublient l’opérateur. Nous guidons l’ouvrier étape par étape, réduisant les erreurs, les déchets et augmentant l’efficacité. Cette approche permet également un suivi en temps réel des commandes et des goulets d’étranglement. Nous apportons ainsi non seulement un gain de temps, mais aussi de la donnée et du contrôle à un niveau optimal.

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